Mon vélo préféré (2)

Jean-Pierre Bucciol

20 jan 2023

Cet article est le deuxième épisode de la série d'articles intitulée : la saga du vélo unique.

Actuellement, j'ai trois vélos. Mon préféré est un Origine Trail.

medias/2023/03/20230313-1-web-gOrigine Trail sur voie verte

C'est un vélo de gravel. Je l'ai depuis huit mois, j'ai parcouru plus de 2600 km avec et il est dans un état parfait. Il ne me demande aucun entretien, sauf à le nettoyer et à lubrifier la chaîne et les parties mobiles de temps en temps. Je suis très bien positionné dessus et j'ai effectué de longues distances sur plusieurs jours avec lui. On peut monter de gros pneus très confortables sur ce vélo. Son cadre est en aluminium. Ses tubes sont cylindriques, fins et élégants, à l'ancienne. La fourche est en carbone. Il pèse 10 kg tout nu. Le pédalier est monoplateau et la cassette a 11 pignons. Je n'ai fait qu'une seule modification à ce vélo : j'ai remplacé le plateau d'origine de 40 dents par un plateau de 36 dents. Les montées sur les routes et chemins, quand on est fatigué après plusieurs heures de route et chargé de plusieurs kilos de bagages, en sont facilitées. Il me convient parfaitement. Avec deux bémols.

Le Trail est un vélo de gravel. Origine l'a pensé comme tel et non comme un vélo de cyclo-tourisme, même si c'est l'usage que j'en fais. Et ce n'est pas la même chose. En gravel, une descente très engagée, en forte pente, dans un chemin pierreux nécessite une très forte puissance de freinage. Et justement, les freins du Trail sont les excellents freins à disques hydrauliques Shimano GRX 600. Je n'ai jamais eu de meilleurs freins sur un vélo. Ils sont puissants et très faciles à actionner et à doser. Ils inspirent confiance et sécurité. En plus, ils ne m'ont demandé aucun entretien jusqu'à présent. Bon d'accord, pour un usage cyclo-touriste, vus mes vitesses pépères et mon peu d'engagement dans les descentes, ils sont sans doute un peu sur-dimensionnés. Qui plus est, l'hydraulique demande des outils de maintenance spécifiques, même s'ils n'ont rien de rédhibitoire ou de particulièrement coûteux. Les temps d'intervention sont aussi plus longs que dans le cas de freins à câbles. Les réparations sont difficiles à faire hors atelier, en plein milieu des champs par exemple. Hors atelier, sans l'outillage spécifique à disposition, sans pièces détachées spécifiques, sans un kit d'outils de purge et une bouteille d'huile pour pouvoir faire au moins une purge, on ne peut même pratiquement rien faire. Changer un câble, réparer une gaine est bien plus facile. Origine a fait le bon choix pour ces freins. La marque n'est évidemment pas à blâmer ici : c'est plutôt l'usage que je fais de leur vélo qui l'est !

Le deuxième bémol est un choix technologique curieux. Je vais monter la chose en épingle, alors qu'elle n'est pas si importante que cela. Mais l'argument m'amuse.

Origine a fait le choix pour la fixation du boîtier de pédalier dans le cadre, du standard sans filetage PressFit BB86 : le boîtier de pédalier est entré (et au besoin retiré) en force dans le cadre. Il nécessite donc un outil spécifique, une presse, pour le montage et le démontage. C'est infiniment plus complexe que les simples vissages et dévissages d'autres standards. D'autant plus que le gain technologique de ce standard est nul. Les standards sans filetage ont été conçus pour des gains industriels dans la construction des cadres en carbone. En effet, dans un cadre carbone, il est quasiment impossible de créer un filetage résistant, alors que le carbone présente suffisamment de souplesse pour qu'il soit possible d'y fixer en force une pièce, d'où le pressage du boîtier de pédalier. Mais le cadre du Trail est en aluminium ! Il est facile pour un industriel d'y créer un filetage résistant. Le choix fait par Origine en devient un peu ridicule. Le standard PressFit BB86 n'est d'ailleurs pas un mauvais standard en soi, c'est juste un standard pas adéquat à ce vélo. Cela dit, une fois le boîtier de pédalier et le pédalier monté, il tient son rôle tout aussi bien que n'importe quel standard vissé.

Le plus drôle, c'est qu'Origine a récemment changé de standard pour le boîtier de pédalier des dernières versions du Trail ! Il s'agit maintenant du standard BB386 EVO, développé par la société FSA. Et c'est encore un boîtier de pédalier pressé ! Qui plus est, Origine a dû modifier le dessin et la construction des cadres du Trail, le diamètre de montage des boîtiers BB86 et BB386 EVO étant différents ! Quel bazar. Je soupçonne dans ces choix (ces revirements ?) des considérations marketing ou des accords de marques, ou peut-être simplement des problèmes de chaînes d'approvisionnement pour les boîtiers ou les pédaliers.

Le lecteur intéressé par ces histoires de standard de boîtiers de pédalier peut lire le très clair et très bien illustré résumé de materiel-velo.com : Boîtier de pédalier : comprendre les standards. On n'oubliera pas quand même de rire à chaque fois qu'on y lira les mots « rigide » et « rigidité ». Parce que dans le système physique constitué par le cadre au niveau du boîtier de pédalier, le boîtier de pédalier lui même et le pédalier, tout se passe sur les quelques millimètres de la largeur des roulements à billes.

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Le premier point important est la qualité des fixations, par vissage ou pressage, y compris la parfaite circularité et le parfait alignement des contacts du cadre avec le boîtier de pédalier, de ce dernier avec le roulement à billes, de ce dernier avec l'axe du pédalier. Et ce sont les roulements à billes qui relient tous les éléments du système, c'est à leur niveau, leur contact supérieur avec le boîtier du pédalier et leur contact inférieur avec l'axe du pédalier, que se produisent les déformations et que se joue la rigidité du système. Les billes bougent dans leur cage. Elles ont du jeu (qui peut descendre au micromètre !), des tolérances. Heureusement sinon rien ne tournerait. Le reste du système ne compte pour ainsi dire pas. L'axe du pédalier en lui même, par exemple, n'a aucune incidence (allez, soyons juste, disons plutôt une incidence marginale) sur la rigidité du système, et cela quelque soit son diamètre, qu'il soit en aluminium ou en titane, creux ou non, en une ou deux parties, etc. Et de toute façon, c'est un problème du pédalier, pas du boîtier de pédalier.

Bref, ce que montre surtout ce bazar, et c'est surtout pour cela que j'ai développé l'argument, c'est la guerre sans merci des acteurs de l'industrie du vélo pour imposer leur standard, à grand coup de brevets, de marketing et du mot magique « rigidité ». Parce que la cible reste le cycliste mâle technophile. Pour lui, avoir quelque chose de rigide entre les jambes, c'est important !

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La suite au prochain épisode.

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