Les roues du vélo unique (8)

Jean-Pierre Bucciol

5 fév 2023

Cet article est le huitième épisode de la série d'articles intitulée : la saga du vélo unique.

L'offre est plus importante quant aux choix des roues que pour les freins. Pour les roues, plusieurs chemins sont possibles :

Les trois chemins ont leurs intérêts et leurs inconvénients :

Pour construire une roue de A à Z, il faut idéalement un pied de dévoilage, un tensiomètre de rayons et une excellente clé à rayons. Ma clé à rayons est en forme de roue pour plusieurs tailles de rayons, et je ne me vois pas l'utiliser plusieurs centaines de fois pour un montage complet. Un tensiomètre est tout aussi indispensable pour le niveau minimal de qualité de montage auquel je prétends. Peut-on faire des compromis sur le pied de dévoilage ? On peut utiliser le cadre du vélo comme ersatz, ou en construire un succédané à l'aide d'une vieille fourche, ou bricoler un substitut en bois et métal. Mais pour quelle précision ? Pour quel temps passé à régler des problèmes d'alignements fins de l'outil ?

Le chemin numéro deux s'est donc imposé petit à petit, contre ma volonté première : je fais construire mes roues par un professionnel, l'atelier allemand-polonais Wheelproject. Cela me désole, j'aurais tellement voulu faire ce montage complet, mais il faut savoir renoncer. Les prix de cet atelier sont compétitifs et le choix des composants est, à mon échelle, pléthorique. On trouve sur le site internet un configurateur de roues (et même plusieurs d'ailleurs), dans lequel on choisit un à un tous les composants et les différentes options : jantes, moyeu, type de fixations au cadre, standard de disques de frein, type de roue libre, nombre de rayons, types de rayons et écrous. C'est un peu technique, mais ludique.

Quel est le cahier des charges pour cette paire de roues ? Elles doivent être, as usual, robustes, fiables et de maintenance faciles. Le cadre et la fourche du Fuji Touring Disk acceptent des roues de 700C avec attaches rapides QR 9 (ou Quick Release 9), un type de fixation très ancien :

medias/2023/02/axe-rapide-seul-hAxe rapide QR 9
(Source : Shimano)

Le 9 de ce standard spécifie le diamètre de 9 mm de l'espace ouvert dans les bras de la fourche ou des haubans, dans lequel l'extrémité du moyeu vient s'insérer et s'appuyer :

medias/2023/02/fourche-av-qr-hFourche avant pour fixation QR 9

Mais le marché pour les vélos de route, gravel et VTT a clairement basculé vers des fixations par axe traversant, le plus souvent de 12 ou 15 mm de diamètre :

medias/2023/02/axe-traversant-dt-swiss-flip-hAxe traversant
(Source : DT Swiss)

Le bas de la fourche ou des haubans est alors différent et montre sur chaque branche un trou, dont l'un est fileté pour accueillir la partie filetée de l'axe traversant :

medias/2023/02/fourche-av-axe-traversant-hFourche avant pour fixation à axe traversant

Notons que des adaptateurs dans les différents formats de moyeux et d'axes existent, mais il y en a autant que de modèles et ils peuvent être difficiles à trouver. Expliquons les différences entre les deux systèmes, parce que comme d'habitude, c'est amusant et révélateur du marché du vélo.

Commençons par ne pas confondre la fixation et l'axe du moyeu : ce n'est pas la même pièce (disons plus exactement : ce n'est pas nécessairement la même pièce; mais dans les faits, ce n'est jamais la même pièce). Il faut déjà comprendre que tous ces axes et fixations, une fois montés, sont fixes. Et il est facile de repérer l'axe du moyeu : il est placé à l'intérieur et au contact des roulements à billes. Seule la partie extérieure du roulement fait tourner la partie extérieure du moyeu, pour faire tourner les rayons puis la jante. Dans l'éclaté ci-dessous d'un moyeu avant pour fixation à attache rapide QR 9, l'axe du moyeu est numéroté 7 et les roulements 6 :

medias/2023/02/hub-shimano-mt-8000-eclate-seul-hÉclaté d'un moyeu pour fixation QR 9
(Source : Shimano)

Dans l'éclaté ci-dessous d'un moyeu arrière pour fixation à axe traversant, l'axe du moyeu est numéroté 3 et les roulements 2 et 5 :

medias/2023/02/hub-dt-swiss-350-eclate-hÉclaté d'un moyeu à fixation par axe traversant
(Source : DT Swiss)

La fixation, qu'elle soit Quick Release ou traversant, passe à l'intérieur de l'axe du moyeu et a pour seul but de bloquer le moyeu entre les bras de la fourche ou des haubans arrières. L'attache rapide Quick Release est elle-même un axe, plus fin (4 ou 5 mm) et fileté à ses extrémités. L'axe du moyeu des roues vient s'appuyer directement sur les bras de la fourche, et un écrou et un excentrique vissés aux extrémités de l'attache rapide serrent les bras de la fourche ou des haubans sur le moyeu. Dans le cas d'un moyeu pour axe traversant, l'une des extrémités de l'axe traversant passe à travers un des bras de la fourche ou des haubans, puis dans l'axe du moyeu, et vient se visser dans l'autre bras de fourche ou des haubans.

Les fixations Quick Release ou par axes traversants sont donc seulement deux modes différents de serrage des bras de la fourche ou des haubans sur les axes du moyeu. Ces fixations ne bougent jamais et ne jouent aucun autre rôle que le serrage. Les gains technologiques sont évidemment nuls, mais encore une fois, l'industrie du vélo redouble d'arguments de « rigidité », la tarte à la crème du marketing vélo. Elle pousse clairement vers deux segments de marché bien distincts : l'un avec axes traversants pour les passionnés toujours prêts à payer plus; l'autre avec attaches rapides QR 9 pour le quidam utilitariste. Il serait quand même temps que les commerciaux renouvellent leurs arguments, parce que un seul mot réutilisé des dizaines de fois jusqu'à la nausée pour fourguer leurs produits, cela devient épuisant...

Même si les gains technologiques des axes traversants sont nuls, le standard reste tout aussi robuste et valable en lui-même que le système à axes rapides. On peut même lui trouver un intérêt pratique. Quand on monte les roues, elles sont automagiquement parfaitement centrées entre les bras de la fourche ou les haubans. Alors qu'avec des fixations par attaches rapides, les axes des roues se baladent dans leur logement et il faut être un peu plus rigoureux lors du serrage, en particulier pour la roue arrière avec le ressort du dérailleur et la chaîne qui tire la roue hors de son logement.

Mais revenons à nos moutons. Les roues qui peuvent être montées sur le cadre Fuji Touring Disk doivent donc être au standard QR 9. Elles doivent aussi avoir une largeur de 100 mm à l'avant et 135 mm à l'arrière. Elles doivent encore pouvoir supporter un poids total roulant jusqu'à 120-130 kg, correspondant à un vélo bien chargé.

Les jantes doivent pouvoir être montées avec des pneus suffisamment larges pour rendre le vélo confortable. En effet, les pneus sont de très loin la suspension la plus importante sur ce type de vélo. J'apprécie pour leur confort, leur adhérence et leur maniabilité, des pneus dont la largeur est entre 35 mm et 50 mm. Les pneus que j'utilise déjà et que je souhaite remonter sur ces roues, mesurent 40 mm de large. Selon la norme ETRTO de 2022, toutes les jantes dont la largeur interne est entre 17 et 27 mm sont compatibles à strictement parler avec ces pneus ! Les jantes que j'ai sur mon Origine Trail ont une largeur interne de 23 mm et conviennent parfaitement à mes pneus actuels de 40 mm de large. D'ailleurs, la moyenne des valeurs limites, si elle a un sens ici, est (17+27)/2 = 22 mm, très proche. Une jante de 22 ou 23 mm conviendra donc très bien.

Qui plus est, plus la jante est large, plus elle est robuste et résistante aux chocs (mais aussi plus lourde). Pour information, dans la gamme DT Swiss, les jantes de largeur interne 20 mm sont catégorisées endurance, donc plutôt routes, celles de 22 mm crossroad, pour routes et chemins, et celle 24 mm gravel, à comprendre je pense, dans un genre bien plus engagé que le mot doux gravel ne le laisse entendre. Ah, les mots du marketing !

Les moyeux doivent accepter le montage de disques de freins au standard Shimano Centerlock, non pas que ce standard soit plus fiable ou performant que le standard dit à 6 trous, mais parce qu'il est très répandu. L'idée est toujours d'en faciliter la maintenance voire le remplacement.

Le nombre de rayons que l'on monte sur une roue joue aussi son rôle. Plus le nombre de rayons est important, plus la roue est robuste et susceptible de supporter des chocs et des chargements importants (et plus elle est lourde). Les randonneurs préconisent pour un vélo de voyage 36 rayons, mais c'est une contrainte que l'on peut sans doute aujourd'hui un peu relâcher. Les matériaux et les technologies ont évolués et même les roues à 24 rayons sont d'une robustesse étonnante. J'ai choisi des roues à 32 rayons, qui correspond au maximum disponible sur les moyeux choisis.

Deux types de rayons existent : les rayons droits et les rayons coudés, recourbés au niveau de leur fixation sur le moyeu. Le système d'accrochage est différent et demande donc des moyeux différents. La tendance actuelle est clairement aux rayons droits, surtout pour des raisons liées à la performance et au marketing (le mot magique est toujours « rigidité »). Les rayons coudés traditionnels et les moyeux qui les utilisent, ont l'avantage de se trouver facilement dans toutes les boutiques sur Terre. J'ai choisi ces derniers.

Il est aussi préférable que les écrous qui tiennent les rayons en acier à la jante soient en cuivre plutôt qu'en aluminium, pour éviter tout risque de corrosion acier/aluminium. C'est assez improbable si les rayons sont traités inoxydables, mais les coûts sont sensiblement identiques et cela ne mange pas de pain.

En résumé, Wheelproject me monte des roues avec :

Il faut ensuite monter les disques de freins sur les roues. On installe des disques de 160 mm à l'avant et à l'arrière, du type Shimano SLX SM-RT70 CenterLock, avec fixation interne, parce qu'on a déjà l'outil de montage.

Entre temps, j'ai reçu tous les composants à l'exception des roues, justement !

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La suite au prochain épisode.

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