Un Garmin Edge Explore 2 pour la navigation à vélo

Jean-Pierre Bucciol

6 mai 2023

J'ai monté sur mon vélo un compteur GPS Garmin Edge Explore 2. Est-ce une bonne idée pour un cyclotouriste, qui n'a aucun intérêt pour la compétition et la performance, qui se bat contre l'espionnage commercial et qui n'utilise que des logiciels libres ?

medias/2023/04/20230428-0-web-gGarmin Edge Explore 2

Sommaire :

  1. Un téléphone comme guide suprême
  2. Le Garmin Edge Explore 2
  3. Premiers contacts, première sortie et mises-à-jour
  4. Et la navigation ?
  5. Création d'un itinéraire
  6. Un port USB pour les gouverner tous
  7. Installation de cartes OpenStreetMap
  8. Conclusions
  9. Améliorations des mises-à-jour de juillet 2023

Un téléphone comme guide suprême

Pour me guider à vélo, j'utilise depuis des années un téléphone fixé sur le cintre, un Motorola Moto G 4G de 2014. J'ai fait tomber le téléphone il y a quelques mois : un petit morceau du boîtier a cassé et l'écran est fendu. Avant qu'il ne tombe, j'avais déjà des problèmes avec le connecteur USB qui avait de plus en plus de mal à retenir le connecteur mâle du chargeur de batterie; et la batterie elle-même est aussi fatiguée. Malgré tout, l'appareil continue à fonctionner, mais il devient de plus en plus moche et je me suis dit qu'il était peut-être temps de penser à son remplacement.

Le téléphone utilise une version entièrement libre d'Android, Lineage OS, ainsi que deux applications qui permettent la navigation à vélo :

medias/2023/05/20221027-GX010629-web-gSur la route, avec un téléphone pour la navigation

Cette configuration a de nombreux intérêts :

medias/2023/05/phone-moto-osmand-brouter-hOsmand+ et itinéraire BRouter sur le téléphone

Cette combinaison a aussi des défauts :

Comment remplacer ce téléphone ? Le choix était entre :

La première solution a été écartée car les téléphones d'aujourd'hui sont devenus énormes et leurs prix ont explosé, même d'occasion. Pour la deuxième solution, les marques Garmin, Wahoo, Bryton et Hammerheadon construisent le type de navigateurs GPS cherchés. Il a été difficile d'obtenir des renseignements sur les deux dernières marques, en particulier sur leur utilisation avec des logiciels libres. Qui plus est, les boutiques de composants vélos que j'ai l'habitude d'utiliser ne les distribuent pas.

On trouve un peu plus d'informations sur le Wahoo Elemnt Roam 2. Mais après avoir téléchargé le mode d'emploi, il était facile de voir que le système était complètement fermé, propriétaire. Il a été impossible de trouver des renseignements sur son utilisation sans téléphone et sans ordinateur sous Windows ou MacOS. J'ai aussi renoncé. Il ne restait plus que la marque Garmin. Et en faisant quelques recherches, il semblait bien qu'il y avait un début de soupçon d'écosystème pour l'utiliser avec des logiciels libres. Parmi les nombreux modèles que la marque propose, celui qui est considéré le plus axé sur la navigation et le moins sur la performance, est le Edge Explore 2.

Le Garmin Edge Explore 2

Sur le papier, plusieurs caractéristiques du Garmin Edge Explore 2 semblaient intéressantes :

Les premiers éléments ne nécessitent pas d'explications. Le dernier est anecdotique pour le moment, mais ce radar est un objet intéressant. À chaque fois que l'on se fait surprendre par une automobile arrivant à vive allure dans le dos, sans qu'on l'ait entendue, on en vient à penser qu'un radar signalant l'automobile pourrait être avantageux. Il est agréable de savoir que, si le besoin s'en fait vraiment sentir, la possibilité de monter ce radar, qui semble performant et facile à utiliser, existe.

Après quelques lectures et avoir posé quelques questions sur l'Internet, j'ai pu vérifier que :

Trouver ces informations n'a pas été facile. Par exemple, les mots USB Mass Storage n'apparaîssent jamais dans le mode d'emploi. Clairement pour Garmin, ce n'est pas du tout la voie privilégiée pour utiliser leur appareil.

Un environnement minimum pour faire fonctionner l'appareil avec des logiciels libres semblait donc présent. J'ai commandé l'appareil.

Premiers contacts, première sortie et mises à jour du firmware et de la cartographie

La première impression au déballage est plutôt bonne : l'appareil est joliment construit; la fixation est facile et robuste; la connexion aux satellites est rapide; l'écran tactile fonctionne bien. L'écran est très lisible (mais quand même bien plus petit que l'appareil lui-même : 3,85 cm x 6,45 cm). Et, soulagement..., il peut bien être branché sur n'importe quel ordinateur ou téléphone via l'USB Mass Storage. La deuxième impression est : configurer l'appareil va prendre du temps... L'interface utilisateur est assez confuse. Et seul un dixième des fonctions de l'appareil sera vraiment utile. Il reste en effet très ciblé performance, entraînement sportif et compétition, capteurs, Watt, Strava, réseaux sociaux, Gadgets & Co. Toutes ces choses me sont inutiles.

Mais surtout... l'après-midi même du jour où je reçois l'appareil, je fais une première sortie vélo de 70 km. Résultat net : deux plantages ! On joue avec les différents écrans de données, la navigation, les cartes, et boom, l'appareil plante et redémarre ! Garmin met en vente un produit informatique qui plante. C'est vraiment la honte !

Le lendemain, me doutant bien que l'appareil stocké chez le fournisseur peut être relativement ancien, je vérifie la version du logiciel installé sur l'appareil. Et en effet, le firmware est en version 4.06 alors que la version courante est 8.06. Vus les plantages, c'est donc parti pour une mise-à-jour. Pour cela, il faut installer sur son téléphone une application, Garmin Connect, qui permet les échanges de données via BlueTooth. L'application est disponible sur App Lounge, un distributeur libre d'applications pour les téléphones sous Android /e/OS. Une fois installée, je la lance (oserais-je ajouter Armstrong ?). L'application commence par me demander mon courriel. Puis on doit cocher une case pour accepter les conditions d'utilisation de Garmin. Je lis donc les conditions d'utilisation. Le résumé est simple : Garmin se dédouane de tout problème, mais surtout, se révèle avoir tous les droits sur les données qui leur sont envoyées. Ouille, c'est direct au moins. Continuons quand même. Garmin Connect synchronise (c'est le vocabulaire utilisé) les données entre les deux appareils. Traduisons en langage clair : Garmin copie toutes mes données personnelles disponibles sur mon appareil Edge Explore 2 sur leur serveur ! Et on ne peut pas faire autrement, puisqu'on ne peut pas mettre à jour le firmware de l'appareil tant que ce n'est pas fait. Faut-il vraiment en arriver là pour mettre à jour le firmware d'un appareil ? D'un appareil buggé qui plante, rappelons-le. Garmin, ce serait pas de la mesquinerie, ça ?

Allez, admettons encore... J'en serai réduit à demander à Garmin d'effacer de leurs serveurs toutes les données qui me concerne quand j'en aurai fini avec la mise-à-jour. Que c'est donc pénible ! Je démarre le téléchargement du nouveau firmware. La barre d'avancement ne bouge pas de zéro... Je relance. Plusieurs fois. Quelques fois, la barre d'avancement bouge de quelques pourcents. Au bout d'une heure, à lancer, attendre et relancer le machin, toujours aucune mise-à-jour de téléchargée. Faisons bref : il a fallu laisser le téléphone et le Garmin branchés sur le secteur et allumés toute la nuit, pour qu'au matin la mise-à-jour soit enfin arrivée sur le Garmin, et enfin pouvoir l'installer. Garmin, cela n'est pas du tout sérieux.

Et pourquoi, quand on veut se déconnecter de vos serveurs, faut-il aller dans l'onglet Paramètres ? Quel rapport y-a-t-il ? Vous en êtes à ce point de gougnaferie, Garmin, que vous en cachez le bouton de déconnexion ?

Le côté positif à cette première expérience utilisateur assez déplorable, est que la mise-à-jour semble avoir réglé les problèmes de plantages intempestifs. Ouf, au moins je n'ai pas entièrement perdu mon temps.

medias/2023/04/garmin-infos-firmware-f

Le sur-lendemain, allez, soyons fou, on met à jour la cartographie de l'appareil. Car en effet, celle installée sur l'appareil date de 2021. Il faut installer un logiciel sur son ordinateur, Garmin Express, et brancher le Garmin Edge Explore 2 dessus via un câble USB. Ce logiciel n'est disponible que pour Windows et MacOs, mais il se trouve que mon ordinateur portable pour le boulot sur lequel je n'utilise que Linux, a encore sa partition Windows d'origine. Je redémarre donc l'ordinateur portable sur cette partition, et comme cela faisait deux ans que je n'avais pas démarré Windows, il doit se mettre à jour : deux heures environ de téléchargements et redémarrages... Je dis pas que c'est la faute à Garmin, je le sais que c'est pas leur faute..., je dis juste que ça énerve. Une fois Windows mis à jour, on peut recommencer à s'intéresser à la mise-à-jour des cartes Garmin. Ici encore, Garmin demande le courriel, demande d'accepter les conditions d'utilisation, synchronise toutes mes données personnelles, puis on peut enfin lancer la mise-à-jour de la cartographie. Cette fois-ci, cela se fait rapidement et sans incident. Re-ouf. Les cartes sont enfin à jour. Enfin presque...

medias/2023/04/garmin-infos-cartes-f

Les dernières cartes installées datent de six mois ! Dans le monde de la cartographie, c'est antique ! Les cartes OpenStreetMap, dont sont issues les cartes Garmin, évoluent énormément et très vite. Pour donner un ordre de grandeur, chaque jour sur OpenStreetMap, il y a 4 millions de modifications. Des cartes de six mois, ce n'est vraiment pas sérieux, Garmin.

Et la navigation ?

Parce que c'est quand même pour cela qu'on a acheté l'appareil. Et bien l'écran est parfaitement lisible, quelles que soient les conditions lumineuses. Les cartes fournies par Garmin sont très faciles à lire. On peut régler la luminosité de l'écran, on peut choisir une version de carte plus contrastée. Les itinéraires sont faciles à suivre. L'affichage lors de la navigation est suffisamment rapide. Rien à redire.

medias/2023/04/garmin-navigation-2-f

Quand on se détourne de l'itinéraire prévu, qu'on l'ait voulu ou par erreur, le logiciel prévient et propose (ou impose, c'est réglable) une correction de l'itinéraire. Sur quelques dizaines ou centaines de mètres, comme cela m'est arrivé, la correction est généralement bien faite et on peut facilement reprendre l'itinéraire prévu.

L'opération n'est malheureusement pas exempte de bugs. Il m'est arrivé de parcourir 50 m en dehors de l'itinéraire pour m'arrêter sur la berge d'une rivière, me reposer, boire et manger. L'appareil a alors affiché qu'il était impossible de calculer l'itinéraire puis des valeurs délirantes. La bifurcation suivante était maintenant à 15400 km (un petit demi-tour de Terre...) et ma destination finale se trouvait à 4860 km :

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Une fois revenu sur la route, il a fallu parcourir un bon kilomètre pour que l'appareil retrouve la trace et affiche de nouveau des distances cohérentes. Garmin, on ne sait plus quoi dire.

Revenons aux bons côtés. Il est facile de passer d'un coup de doigt de gauche à droite, de l'écran de navigation à d'autres dits de données. La configuration par défaut de ces écrans de données étant surchargée d'éléments qui me sont inutiles, j'ai préféré tous les désactiver pour en créer un nouveau. Surtout que la création et la configuration sont assez faciles. Les trois informations vraiment indispensables à un cyclotouriste sont : l'heure, le nombre de km pour arriver à destination et le niveau de la batterie. Comme après avoir insérés ces éléments, il restait beaucoup de place sur l'écran, j'ai ajouté la distance avant la prochaine bifurcation, la vitesse et la pente :

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On remarque sur l'écran de données ci-dessus un nouveau bug : les informations dans le widget en haut à gauche se chevauchent. Il faut lire 870 m et non pas 370 n avant la prochaine bifurcation... En fait, les bugs parsèment l'interface...

Quand l'écran affiché est un écran de données et qu'on l'on arrive à une bifurcation, l'écran de navigation apparaît pour quelques dizaines de secondes :

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Les informations du bas, direction et temps pour arriver à la bifurcation me sont inutiles et j'aurais aimé les supprimer définitivement : je n'ai pas trouvé comment. Ce n'est pas bien grave.

L'appareil et le logiciel souffrent quand même de problèmes de conception assez étonnants. Le plus important est sans doute le délai de cinq à dix secondes entre la position affichée sur la carte, les données affichées comme la vitesse, la pente, etc, et la réalité. Ce délai peut être très handicapant. Par exemple, dans la région où j'habite, entre Lauragais et Tarn, on passe son temps à vélo à monter et à descendre des routes en pente : 100 ou 200 m de montée, puis 100 ou 200 m de descente, tous les parcours sont ainsi. Sur le Garmin, à cause de ce lag de 10 s, on a déjà fait la moitié de la montée successive à la descente, que l'écran affiche toujours une pente à -7 %; on a passé le sommet de la montée et même déjà bien commencé la descente, et l'écran affiche toujours +8 % de pente... Et il en est de même pour la vitesse : celle affichée est celle réelle d'il y a peut-être 10 s. Bon, ce n'est pas très important : de toute façon, la pente devant moi, je la vois. Je suis cycliste, pas mesureur de pente.

Pour la navigation aussi, ce délai d'une dizaine de secondes entre l'affichage et la réalité est empoisonnant. Si une bifurcation est prévue au sommet d'une côte, que l'on a déjà commencé la descente, et que le Garmin prévient alors de la bifurcation à cause des 10 secondes de retard, il faut alors faire demi-tour pour revenir à la bifurcation... Et s'il s'agit d'une descente un peu raide, on a peut-être déjà fait une centaine de mètres... qu'il va falloir remonter. Il est encore possible de contourner cette Garminerie (oui, je sais, mais j'ai pas pu m'empêcher), en réglant le zoom de la carte manuellement à une valeur de vue assez haute, de telle sorte de pouvoir anticiper plus facilement ces surprises de navigation. Mais, Garmin, c'est un palliatif.

On arrive au burlesque avec la fonction ClimbPro : au début d'une montée, l'écran ClimbPro s'affiche automatiquement par défaut et prend la place de l'écran de navigation.

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L'écran montre alors une jolie représentation graphique colorée de la côte, de la position relative du vélo et diverses autres informations. Cette fonction est positivement adulée par les participants des forums de discussions consacrés aux compteurs Garmin. Bon, pourquoi pas. En tout cas, c'est joli et amusant. Mais il y a un problème : l'écran ClimbPro ne rend pas la main à l'écran de navigation quand il y en a besoin. Exemple : si en plein milieu de la côte, l'itinéraire prévu est de prendre une route sur la droite, l'utilisateur n'est prévenu qu'il faut changer de direction que quand il a passé le sommet de la côte, au moment où l'écran ClimbPro disparaît, que l'écran de navigation réapparaît et qu'il propose alors de faire demi-tour... Je dois dire que c'est assez déroutant (je peux encore faire pire pour les jeux de mots) quand cela arrive. Mais quand même, Garmin, cela n'est pas très sérieux.

Heureusement que la plupart de ces fonctions ciblées performance me sont complètement inutiles et peuvent être désactivées ! D'ailleurs, quand on est dans une longue côte, que le vélo est chargé, qu'on roule à 8 km/h, on n'a surtout pas envie de savoir combien de temps il reste à monter : c'est trop démoralisant !

Création d'un itinéraire

La création d'un itinéraire directement sur le Garmin est relativement facile. On peut le faire en faisant une recherche sur un lieu, une adresse et quelques autres rubriques, un supermarché ou un réparateur de vélos par exemple. C'est bien sûr plus pauvre qu'une base de données OpenStreetMap complète, mais les choix faits sont tout à fait cohérents avec une activité cycliste. On peut aussi chercher directement sur la carte. L'écran est un peu petit, le Garmin bien moins réactif qu'un téléphone récent, l'interface est un peu fruste, mais c'est faisable. Malheureusement, le résultat, l'itinéraire proposé, peut aller de très bon à très mauvais en passant par bizarre, et il est difficile de le prévoir.

Plusieurs réglages possibles sur le Garmin influencent l'itinéraire proposé. On les trouve en deux endroits de l'interface du Garmin. Dans le profil sélectionné (route par exemple), on trouve parmi les menus disponibles un Mode de définition d'itinéraires, où l'on doit choisir l'un des éléments suivants : Cyclisme sur route - Vélo sur plusieurs types de terrains - Gravel - VTT (et d'autres items moins significatifs ici). On y trouve aussi un menu Navigation > Définitions d'itinéraires > Méthode de calcul, dans lequel on doit choisir l'un des éléments : Réduire la distance - réduire la durée - réduire l'ascension. Enfin dans le menu Navigation > Définitions d'itinéraires > Règles de contournement, on peut demander à éviter chacun des éléments suivants : Autoroutes principales - Routes à péage - Routes sans revêtement - Ferries - Sentiers étroits - Routes à trafic dense.

Sur un modèle marketé cyclotourisme comme le Edge Explore 2, on s'attendrait à trouver aussi un réglage pour privilégier les véloroutes, les routes pour cyclistes, et même pouvoir choisir entre les véloroutes régionales, nationales ou internationales, les itinéraires protégés de la circulation automobile, où même les bandes ou pistes cyclables. Mais il n'y a rien. Il est probable que l'algorithme en tienne compte, mais comment le fait-il ? On n'en sait rien.

Si les réglages proposés par Garmin sont évidemment essentiels, ils ont aussi, de par leur nature binaire, peu de souplesse. L'utilisateur n'a aucune idée de leur poids respectif dans le choix de l'itinéraire. On tente et on voit le résultat après la sortie vélo. Garmin, c'est un peu maigre, non ?

La manière dont certains de ces réglages est implémentée pour la création des itinéraires les rend d'ailleurs d'un intérêt très limité. Prenons l'exemple de l'interrupteur Routes à trafic dense. Dès la première sortie vélo, j'ai pu constater que des routes considérées par Garmin comme Routes à trafic dense, ne le sont certainement pas. Et comme le Garmin était réglé pour éviter les Routes à trafic dense, la navigation faisait faire de longs et inutiles détours.

La D51 par exemple, dans le Tarn entre Puylaurens et Nogaret, n'est certainement pas une route à trafic dense. Ou alors croiser une automobile toutes les 5 minutes est une marque de trafic dense ? Puisque Garmin construit ses cartes à partir de celles d'OpenStreetMap, je suis allé vérifier les attributs de la D51 dans la base de données OpenStreetMap. Après tout, il y a peut-être une information erronée dans la base que je pourrais corriger. Voici le contenu complet des données enregistrées dans la base OpenStreetMap pour la D51 :

highway         tertiary
maxspeed        80
name            Route de Poudis
ref             D 51
source          BDOrtho IGN 2017
source:maxspeed FR:rural
surface         asphalt

Pour OpenStreetMap, une highway classée tertiary est une :

Route reliant des villages ou des quartiers à l'intérieur des villes. En France cela correspond à des petites routes ou des rues présentant un trafic de transit inférieur à une "secondary" entre zones résidentielles, commerciales, industrielles, etc

Je ne sais pas où Garmin est allé pêcher qu'il s'agissait d'une route à trafic dense. Garmin utilise manifestement des données autres que celles d'OpenStreetMap. Et quand ces données sont manifestement fausses, on ne peut rien faire sauf attendre que Garmin veuille bien prendre la peine de corriger. En quelques heures d'utilisation, j'ai pu ainsi détecter de nombreux autres cas de routes à trafic dense pour Garmin, et qui dans la réalité ne le sont pas. À tel point que j'ai dû désactiver cet interrupteur qui donne des parcours par trop aberrants. C'est évidemment dommage car l'évitement des grosses routes est toujours l'un des critères fondamentaux de ma navigation.

La création d'itinéraires sur le Garmin Edge Explore 2 est donc possible, mais elle est, à mon goût, peu efficace et trop pauvrement paramétrable.

Un port USB pour les gouverner tous

Heureusement, il y a le port USB ! Parce qu'on va alors pouvoir créer des itinéraires avec un autre logiciel sur une autre machine, les transférer via le port USB sur le Garmin, et utiliser ce dernier pour ce qu'il sait le mieux faire, afficher la carte et suivre l'itinéraire.

Branchons le Garmin Edge Explore 2 sur un ordinateur. On a alors accès à une hiérarchie de répertoires et de fichiers de l'appareil :

medias/2023/04/garmin-files-f

Évidemment, rien n'est documenté sur cette hiérarchie dans le mode d'emploi de l'appareil. Toutes les informations qui suivent ont donc été glanées de-ci de-là sur l'Internet. J'ai pu en valider la plupart et seuls certains aspects très techniques, signalés dans la suite, ne l'ont pas encore été.

C'est dans le répertoire GARMIN/Garmin/Activities/ que l'on trouvera les fichiers d'activités enregistrés par l'appareil, en particulier les traces des parcours à vélo. Les fichiers sont au format propriétaire Garmin Flexible and Interoperable Data Tranfert dont l'extension est .fit. On peut les lire sous Linux par exemple avec le logiciel libre GPXSee. On y visualise le temps, la distance, la localisation, l'altitude, la vitesse et la température :

medias/2023/04/gpxsee-f

Au besoin, les traces enregistrées peuvent être converties au format GPX à l'aide du logiciel libre GPSBabel :

medias/2023/04/gpsbabelfe-f

GPSBabel est un logiciel que l'on peut utiliser dans un terminal et on peut automatiser la conversion (par exemple directement par un clic droit sur le fichier dans le gestionnaire de fichiers) :

gpsbabel -i garmin_fit -f trace.fit -o gpx -F trace.gpx

C'est dans le répertoire GARMIN/Garmin/NewFiles/ que l'on placera les itinéraires que l'on souhaite suivre. On peut ainsi les peaufiner sur son ordinateur avec son logiciel préféré (par exemple sur l'Internet ou même sur un serveur personnel BRouter), puis après avoir exporter la trace GPX obtenue, la transférer sur le Garmin à l'aide du gestionnaire de fichiers. La trace n'a pas besoin d'être au format FIT, le fichier GPX étant parfaitement reconnu. Sur le Garmin, on aura accès à cette trace via l'item PARCOURS de l'écran d'accueil :

medias/2023/04/garmin-parcours-f

Un téléphone sous Android étant un ordinateur sous Linux, tout ce qui vient d'être dit pour un ordinateur reste valable pour un téléphone, en reliant le téléphone Android et le Garmin Edge Explore 2 à l'aide d'un câble USB OTG :

medias/2023/04/20230428-1-web-e

On peut alors créer ses itinéraires sur le téléphone (par exemple avec OsmAnd+ et BRouter), puis à l'aide du gestionnaire de fichiers du téléphone, les transférer sur le Garmin. Intéressant en voyage quand on ne veut pas s'encombrer d'un ordinateur.

Installation de cartes OpenStreetMap

Si l'on ne veut pas devenir complètement fou avec l'écosystème Garmin, si on veut avoir des cartes le plus à jour possible et si on veut éviter l'espionnage de Garmin, il faudra passer, et le plus vite sera le mieux, aux cartes libres d'OpenStreetMap. Les cartes ajoutées sont à placer dans le répertoire GARMIN/garmin/. Elles doivent être au format Garmin IMG map et on les active et désactive dans le profil sélectionné (route par exemple), puis dans le menu Navigation > Carte > Information carte :

medias/2023/04/garmin-cartes-f

Attention, Garmin ne semble reconnaître que les cartes dont l'encodage des caractères est au format Latin1 (et pas UTF8 par exemple). Je n'en sais pas le pourquoi du comment.

Pour avoir ces cartes, plusieurs solutions sont possibles. On peut le faire par exemple via le site garmin.bbbike.org. Ce site propose des cartes Garmin libres prêt à l'usage pour les appareils Garmin. La cartographie est excellente. Mais, parce qu'il y a un mais, une fois ces cartes installées, la création d'itinéraires directement sur le Garmin Edge Explore 2 est encore plus mauvaise qu'avec les cartes d'origine Garmin. Les itinéraires ne font prendre que les routes les plus importantes, comme s'ils avaient été construits pour une automobile. Aucun réglage ne semble faire le moindre effet. Je n'en connais pas la raison. Peut-être y-t-il un problème avec les appareils Garmin récents ? Le système de navigation a-t-il changé ? Ce n'est pas très important pour le moment, mais il faut que je creuse cela.

Pour information, il est possible de construire des cartes Garmin sur son propre ordinateur à l'aide du logiciel libre mkgmap (c'est ce que fait pour vous le site garmin.bbbike.org). Si j'ai bien compris, Garmin a son propre format de carte, propriétaire évidemment et secret. Garmin part des données OpenStreetMap, qu'il traduit dans son propre format de cartes. Ce dernier supporte plusieurs couches de cartes pour différents styles (plus contrasté, spécialement pour VTT, etc) mais aussi une couche dédiée à la navigation. On trouve des informations sur la transformation (et sur le fameux fichier de style TYP qui semble central), sur différents sites :

Je n'ai pas encore eu le temps de creuser. Le fait que cela soit possible suffit pour le moment.

Au besoin, le logiciel libre QMapShack permet de visualiser les cartes au format Garmin :

medias/2023/04/qmapshackk-f

Il permet aussi la création d'itinéraires et d'envoyer directement les traces sur le Garmin. Je n'ai pas encore eu l'occasion de jouer avec. Encore une chose à creuser.

Conclusions

Présentons sous forme de tableau les solutions Garmin et téléphone :

Tél. + Osmand+
+ BRouter
Garmin Edge
Explore 2
taille 0 1
poids 0 1
fixation 0 1
autonomie de la batterie 0 1
étanchéité 0 1
connexion wifi 1 0
simplicité de l'interface 0,5 0,5
précision des cartes 1 0
recherches sur la carte 1 0
facilité de création d'itinéraires 1 0
facilité de suivi des itinéraires 0,5 0,5
stabilité du logiciel, bugs 1 0
fréquence des mises à jour 1 0
espionnage commercial ou autre 1 0

Le score est de 8 à 6 en faveur du téléphone, Osmand+ et BRouter. Si les critères comparés avaient été compétition, réseaux sociaux, Strava, Kom, Gadgets & Co., le résultat aurait été différent ! On se rend bien compte avec ce tableau que c'est surtout le hardware du Garmin Edge Explore 2 qui est intéressant. Les prix ne sont pas comparés car les finalités de ces appareils sont vraiment trop différentes. Pour information, le Garmin Edge Explore 2 coûte environ 250 €.

Je vais quand même garder l'appareil. La taille, la fixation, l'étanchéité et surtout la très grande autonomie de la batterie (vérifiée : après 4 heures de vélo, il reste 80 %...) sont des arguments particulièrement forts.

Évidemment, la politique de Garmin est de fermer autant que possible les accès à leur appareil avec des logiciels non Garmin. Leur but est de garder l'utilisateur prisonnier de leur écosystème, de vendre des cartes supplémentaires, des capteurs, et d'enregistrer sur leur serveur le plus possible de données personnelles. Évidemment, l'interface de l'appareil est mal fichue, buggée, et la communication filaire est so 90's.

On parvient malgré tout à faire en sorte que l'appareil fasse à peu près ce que l'on veut, à savoir de la navigation de qualité satisfaisante en utilisant des logiciels libres.

Il faudra aussi garder un œil sur la concurrence, en espérant qu'un constructeur ait la bonne idée d'ouvrir son système. Après tout, on est bien arrivé à le faire pour les ordinateurs et les téléphones. Pourquoi pas pour les compteurs GPS vélos ?

Rêvons un peu... Un hackeur sympa s'attaque au Garmin : il parvient à installer à la place du logiciel Garmin un Android dégooglelisé, Osmand+ et BRouter, et met gentiment son hack à la disposition de tous...

Améliorations des mises-à-jour de juillet 2023

J'ai eu le plaisir de constater que les dernières mises à jour du firmware (9.09) et de la cartographie (2023.10) semblent avoir grandement amélioré la création des itinéraires. Cela se constate par exemple par les nombreuses corrections apportées aux Routes à trafic dense, qui posaient des problèmes dans les versions précédentes. Elles semblent mieux correspondre aux réalités constatées sur le terrain, en tout cas pour les routes autour de chez moi. Les itinéraires proposés par le Garmin sont maintenant devenus décents et utilisables. Merci. De nombreux bugs graphiques semblent aussi avoir été corrigés. Cela améliore évidemment l'utilisation et les aptitudes du Garmin Explore 2.

D'autant plus que l'autonomie de la batterie est vraiment exceptionnelle. Après 9 heures d'utilisation en continu de la navigation, l'appareil a encore 60 % de batterie disponible. Ce qui amènerait l'autonomie à 22 h.

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